dimanche, juin 15, 2008

"Deeply Regret to Inform You..."


Je suis allé voir le National World War II Museum, où travaille mon pére depuis l’an dernier. Ayant lu le “mission statement” du musée dans le bureau de mon père, j’avais peur au début que ce musée se pencherait vers la idéalisation du pouvoir américain, une simple reduction de la guerre à une lutte du Bien contre le Mal, etc etc. Évidemment, tout cela ne serait guère un travail d'histoire, c’est plutôt un enjeu politique, voire propagandiste. Cependant, j’étais content en faisant le tour des expositions de trouver une perspective sur la guerre beaucoup plus honnête. On n’exclut pas un regard sur les actes brutales de la part des américains, y compris des bombardements des villes japonaises avant Hiroshima et Nagasaky. J'ai bien apprecie un plan du Japon qui montre la pourcentage de destruction de chaque ville japonaise avec le nom d'une ville americaine de la meme taille affiche en parentheses. En plus, il y a des affiches qui montrent comment le racisme s’est exprimé dans la presse des deux pays, avec des bandes dessinés de Roosevelet avec des grosses dents ensanglantées et beaucoup d’images des japonais qui mangent de la chaire humaine. Cette partie de l’exhibition sur le théâtre Pacifique, étalée sur des murs qui ondulent (telles des vagues !), est suivie par celle qui présente les images les plus choquantes : une jeune femme américaine, toute belle, qui écrit une lettre, sa main posée près d’un crâne japonais que son chéri lui a envoyé, les têtes décapitées empalées sur des tanks, les corps oubliés dans les bandes de sables. J’ai reculé devant la grotesquerie de ces images, mais elle est si exagérée qu’elle semble hors du domaine humaine, oui, inhumain. C’est peut-être en cela qu’on trouve une des vraies injustices de la guerre, que les actes inhumains produisent des traces qui sont si affreux qu’il nous est impossible de les percevoir pleinement. Ce qui doit évoquer la sympathie échoue par faute de son caractère quasiment fantastique. Donc, je suis choqué, mais ce n’est qu’un éclair fugitif qui illumine trop brièvement l’horreur représenter par l’image devant moi. Ce n’est qu’avec la lecture de la correspondance entre les soldats et leurs familles que je deviens vraiment ému, engagé au cœur comme aux yeux.

Ceci est un autre point fort de ce musée, comme celui à Caen, qu’on a ce contact avec la vie intime d’un seul soldat, qu’on se rend compte du fait que la guerre, même une guerre mondiale, est fait par des individus avant et après qu’elle est faite par des nations. D’après Staline, « Un mort est une tragédie ; un million est une statistique. » Son appréhension de cette vérité l’a mené à une politique qui créait des « statistiques » impensables, mais pour nous, visiteurs des musées, de l’histoire, descendants de ceux qui ont fait la guerre et de ceux qui ont été fait par la guerre, la première partie de l’axiome est celle qui résonne avec plus de force. Il y a eu une petite exposition avec les dernières lettres qu’un soldat de 34 ans a reçues de sa famille, à côté des dernières qu’il les a envoyées. Son fils, âgé de 9 ans, lui écrit une lettre d’une page, pleines de fautes d’orthographe, sur ce qu’il apprend à l’école, sur combien sa sœur est invivable, sur le temps qu’il fait chez lui. Son père lui répond, exprimant son désir d’être comme Père Noël, arrivant à travers la cheminée de la maison avec ses bras pleins de cadeaux. Il essaie d’expliquer pourquoi on fait la guerre, « parce que personne n’aime quand quelqu’un essaie de leur forcer la main… », il lui dit d’aider sa mère dans la cuisine, avec la nettoyage de la maison. La dernière lettre est écrite le 14 février à sa femme. On sent sa fatigue ; il se permet de lui parler plus franchement qu’il ne fallait dans sa lettre à ses enfants. Et puis, le dernier objet est un télégramme WESTERN UNION tragiquement impersonnel notifiant la femme de la mort de son mari. Quatre phrases. « Deeply regret to inform you that your husband …. was killed in battle. » On lui donnera des renseignements sur le rapatriement du corps. Pour la sécurité de ses compagnes, ne dites a personne la compagnie dont il faisait partie. Fin.

« Deeply regret to inform you » ! « Deeply regret » ! Il n’y a personne qui assume ce regret, cette phrase commence sans sujet comme si elle était un énoncé du Dieu, issue d’une voix qui n’a pas besoin de s’identifier mais qui est doté du pouvoir de tuer, de choisir qui vit et qui meurt. Je trouve cela terrible, cette absence au début, une absence cruellement paradoxale : celui qui est nommé n’est plus, celui qui reste anonyme existe toujours, tout puissant.

L’arrivée de ce télégramme, même dans le contexte de cette boîte en verre de musée, affichée tel un papillon mort, est brusque et touchant. Le glissement des mots intimes, écrits à la main avec soin, au message tapuscrit et officiel, est peut-être l’expression le plus succincte de la transformation d’un homme, un être aimant et aimé, haïssant et haï, en matière statistique, membre invisible des millions qui seront comptés dans les bilans sans sens de l’après-guerre. On peut garder tous les tanks, et les avions et les bateaux Higgins dans les hangars : pour moi, ces quatre petits bouts de papier valent tout le reste du musée.
réfléchissant,
Candidiot

jeudi, juin 12, 2008

Projet Pour Une Revolution à New York



À New York University, le rat de bibliothèque entre dans son labyrinthe préféré...

Un bel objet vu à MoMA : qu’est-ce qui perdure ? les mots, les pierres ? les villes qui sont faites des deux ?
Angelina : « J’ai la fièvre des tacos ! » et de la France apparemment

5th Ave vu depuis le 9ème étage d’un bâtiment de NYU (où, à l’époque, Robbe-Grillet a fait des cours sur…Robbe-Grillet)

Les Sans Culottes : un des trois restaurants de M. Touchard, ami de la bien chère famille Zéo. C’est ici que j’ai dégusté une très bonne terrine de canard avant de succomber au décalage horaire.
Demain, je reprends l’avion pour descendre à la Nouvelle-Orléans est mon appartement dans le quartier français, ou le Vieux Carré, comme on le dit là-bas. Des réflexions sur Barcelona, et The Big Easy à suivre.
"quand le soleil new-yorkais brille ainsi il te faut de la Grosse Pommade",
Candidiot


mardi, juin 10, 2008

je N'YC rois pas


"New York, c'est ma ville." -Italo Calvino
Ca m'étonne toujours, la vitesse à laquelle on peut se rendre de l'UE aux E-U, comme s'il ne fallait qu'un simple renversement des lettres pour effectuer ce voyage trans-oceanique. Après huit heures de vol, un soleil rose embrasé guettait mon arrivée hier à LaGuardia. Il faisait 40. J'ai enfin retrouvé l'été. Plus tard, je transpirais presque autant que la canette de Pabst Blue Ribbon que j'avais dans la main; je regardais l'horizon new-yorkais depuis le toit d'un appartement du quartier Astoria, la forêt allumée des gratte-ciel un changement hallucinant des montagnes boisées d'Amélie-les-Bains. Les sommets surplombant le Tech remplacés par ces pinacles de la tech-nologie. Maintenant, à Williamsburg, l'heure du p'tit dej, je vais aller bouffer du "bagel and lox" pour la première fois depuis septembre.

LE CHOC(OLAT) CULTUREL
(le retour doux, le retour violent)
-Hier dans l'avion mon voisin lisait American Rifleman.
-Ce matin je lisais le New York Times. (en papier)
-Le menu hier soir? Les hamburgers avec des chips. Trop bon.

Autrement, la lecture de Kundera continue - une écriture qui se boit comme du whisky, l'aigreur des courtes gorgées suivies par des flammes pales et minces qui chatouillent en même temps qu'elles brulent. Une légèreté insoutenable mais irrésistible.
44 bisous de BKLYN,
Candidiot

jeudi, mai 29, 2008

Plus Fort Que Moi


“Nantes, je vous considère en
Votre mélancolie; j’aurais pu
Ma vie entière vous donner
L’âme ravie.”
Paul Fort

Dans ces derniers jours à Nantes je sens le vertige qui vient avec le désir de tout embrasser à la fois, de prendre tout dans mes bras, de frotter les joues contre le sol, le ciel, les miettes de pain qui trainent sur la nappe. Il y a un sourire déjanté qui s’esquisse sur mes lèvres, qui glisse et qui se casse. Si je pouvais, d’un coup, inhaler les pavés devant Ste. Croix, les grues de l’île, les chevrons rouillés des vieux Citroëns, tenir dans les poumons l’ensemble de Nantes comme si la ville était un nuage avalé, cela serait un beau renversement, dans une ville où on se sent si souvent immergés dans les nuages…

Au moment du départ, je sens toujours cette même tristesse, qu’il soit un départ des États-Unis ou de la France. « Il ne faut jamais nier ses racines » : et si elles se défont elles-mêmes? Moi, je viens des marais, les racines là-bas ne sont pas profondes, elles s’élaborent à travers des nœuds compliqués, pourris, délicieusement noircis, mais elles ne s’attachent jamais à un fond stable. On flotte doucement avec une majesté corrompue. On pue. J’adore ça, cette glissement perpétuel vers rien de particulier, un parcours sans destination définie, sans raison d’être sauf la prolifération de soi-même.

C’est une tristesse qui ne cherche pas de cure, qui s’aime pour ce qu’elle est et ce qu’elle représente : le fait que le monde est rempli de toutes les cochonneries qu’on veut, mais qu’il fait pousser néanmoins d’innombrables royaumes, aussi souples et éphémères que l’herbe au bord du fleuve stagnant. C’est-à-dire qu’avec chaque pas, on écrase des empires possibles, des plaisirs imaginaires, que nos semelles sont trempées du sang invisible de tout ce qu’on n’a pas tenté de faire. La tristesse se dresse autant plus quand les plaisirs ont été visibles, connus, voire vécus, et qu’on les lâche afin de bourlinguer de nouveau, d’ajouter au fond débordant de la mémoire des nouveaux crimes contre le possible. Candidiot: le voyageur content, un meurtrier naïf ; le voyageur triste, un prisonnier sage.

Il me fait énormément de plaisir de savoir que je serais hanté par les ombres doux de ces soirées nantaises. « Il pleut sur Nantes » et puis, chez Candidiot, la terre se ramollit, et les souvenirs surgissent, cherchant dans l’air surchargé la prise qu’ils ne retrouvent pas sous le sol.

Et au sein de tout ce mélodrame, il y a, parfois, une symétrie qui s’annonce, le leurre qui nous tente de penser que, malgré tout, il y a peut être une raison derrière nos déviations acharnées. Le poète qui introduit ces pensées nostalgiques a un nom et un prénom de quatre lettres chacun. Ce qui fait, lorsqu’on les met bout à bout : 44. Un départ (à travers l’Atlantique), un amant (de la Loire), ensemble : un département : la Loire-Atlantique. On commence avec le départ ; la fin, enfin, ce n’est que le début. Bienvenue chez Candidiot.

vendredi, mai 16, 2008

Bienvenue sur Candidiot


Chers lecteurs,

Voila le nouveau-ancien blog de Split Foster aka Eric Parrie, le nouveau-ancien américain qui est reparti aux Etats-Unis après un séjour de trois ans en France. Je vais essayer de mettre a jour de temps en temps ce site afin de donner une vue sur l'Amérique telle que je la vois après autant de temps à l'étranger. Cet été je serai a la Nouvelle-Orléans et puis en mois d'aout je monte a Pittsburgh pour commencer deux ans d'études a Carnegie Mellon University. J'espere vous montrer des choses intéressantes sur ces villes, d'avoir des photos et des liens, et aussi de ne pas perdre mon français! Des commentaires sont le bienvenues, bien sur. En vous souhaitant une bonne lecture....

Amicalement,

EP